Rumeurs en scène et autres figures
Résumé
Le bruit ressortit à une mesure esthétique, à une appréciation que l'on pose selon l'angle de vue adopté ou encore subi. Au plan musical, le bruit a été, dans notre tradition occidentale, proscrit. « Les murs épais de l'architecture européenne ont structuré la musique, et ce, de la période du plain-chant à celle du sérialisme. En réalité, il serait possible d'écrire toute l'histoire de la musique européenne en se référant à la nature des murs qui l'ont vu évoluer ». De l'église à la salle de concert, en passant par les Cours et les salons, espaces clos et hautement civilisés, l'écoute s'est spécialisée, affinée et a défini des lieux de pouvoir. A la faveur des mutations du début du XX e siècle, le bruit a fait l'objet d'une conquête progressive et d'une intégration à l'intérieur même du langage musical qui en a admis l'existence, la puissance et enfin la valeur. La création musicale s'en est trouvée bouleversée, enrichie. Luigi Russolo en 1913, dans son « Manifeste futuriste » (Milan, 11 mars 1913), appréhende l'histoire de la musique selon une évolution progressive. L'intégration du bruit dans le champ musical est, selon lui, un progrès nécessaire, inévitable, plus encore il constitue un saut qualitatif (l'électricité a permis l'invention de machines productrices de bruits). Edgard Varèse reprend, rectifie les propos de Russolo, et musicalise le bruit : celui-ci ne sera « plus à part » (Russolo organisait des concerts bruitistes avec piano jouant une musique très conventionnelle assortie de bruits produits par les crépiteurs, les strideurs, les bourdonneurs et autres instruments-bruiteurs inventés) ; bruits et musiques se croisent, s'échangent, s'hybrident et inventent des organismes sonores hauts en timbres, en couleurs et en intensités.
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)