"Approches croisées de la phénoménologie et du féminisme dans l'appréhension de l'anorexie"
Résumé
A rebours d’une approche strictement médicale de l’anorexie, qui implique de faire la genèse des troubles du comportement alimentaire et se réfère donc à la psychiatrie, cette étude se focalise moins sur les symptômes dont souffre la personne que sur le rapport aux autres et au corps dont témoignent ses privations alimentaires. Soulignant l’apport de la phénoménologie qui appréhende cette expression d’une oralité douloureuse comme une manière d’être-avec-le-monde-et-les-autres, et pas seulement comme une pathologie, l’auteure, s’appuyant sur une nouvelle de Kafka, L’artiste de la faim, montre que l’anorexie n’est pas seulement ni essentiellement liée à l’idéal de la minceur qui s’est imposé dans nos sociétés. Il s’agit surtout d’un drame de l’autonomie dont la toile de fond est le dualisme âme-corps qui est caractéristique du rationalisme moderne et contemporain et renvoie donc à des représentations sociales, et pas seulement individuelles. Reste à savoir pourquoi les personnes anorexiques sont dans la grande majorité des femmes, et ce dès le Moyen Age. C’est ce problème qu’une approche féministe de l’anorexie permet d’éclairer. Il ne suffit pas d’insister sur les rôles sociaux qui expliquent que les femmes d’aujourd’hui cherchent à répondre aux canons de la minceur, mais il importe d’analyser leurs formes d’expression de soi dans des contextes qui font de l’autonomie un idéal difficile à réaliser pour elles.