, Cette hybridation a été préparée dans le film par tout un travail sur le corps originel de Christina reposant sur l'asymétrie (maquillage, jeu d'acteur) : un côté de son visage est rongé, une de ses jambes est plus courte que l'autre-comme si, dans ce corps, il était déjà question de deux corps en un seul, comme si le travail de Frankenstein consistait plus, pour une fois, à en découdre avec le corps, avec la matière rebelle, à désassembler qu'à ravauder et ourler d'après le schéma d'une forme idéale, comme s'il s'agissait plus de dissoudre une effroyable méprise qu'à repriser une créature effarante (en même temps

, des élytres, la taille-changeant fortement en fonction du sexe, et la nature est parfois facétieuse? L'astuce, dans Frankenstein créa la femme, tient en ce que le principe du gynandromorphisme est pris à contre-pied-au moment où Christina devient pour moitié femme (son corps) et pour moitié homme (son âme), ses travers anatomiques sont résoluset Frankenstein se révèle finalement moins cruel que le faussaire décrit par le naturaliste Eugène Le Moult : « Il avait pris un mâle et une femelle vivants, et coupé délicatement, et obliquement, avec un scalpel, le mâle d'abord, la femelle ensuite ; une fois l'opération terminée, il avait joint la moitié du mâle à la moitié de la femelle 41. » Qu'est-ce que le gynandromorphisme sinon, dans un seul et même objet, déjà une sorte d'image composite, de montage interne au plan privilégiant à l'amalgame (la reproduction sexuée) la collure (le lapsus morphologique) ? Comment Fisher, à partir de là, filme-t-il Christina, avant et après ? La première Christina n'a droit qu'à des plans dans laquelle elle est constamment objectivée : jamais la caméra ne la prend comme émettrice de perception ni ne prend en charge son point de vue, que ce soit directement ou indirectement. Ainsi, n'accédant jamais au statut de sujet des images, Christina est-elle enfermée dans sa condition de victime née : objet de la risée des jeunes hobereaux arrogants, source de honte pour son père, baladée sans succès d'un médecin à l'autre? jusqu'à son suicide. Même Hans, son amant, ne voit en elle que l'image extériorisée-variante physiologique-de son propre ostracisme social (mal et hérédité : il est persona non grata parce son père était un assassin), On pourrait alors parler de corps gynandromorphe, du nom que l'on donne aux spécimens d'animaux mâles dans une partie du corps et femelles dans l'autre. De nombreux insectes, lépidoptères notamment (d'autant qu'on trouverait aisément de la chenille et du papillon dans la métamorphose de Christina : le masque-cocon) mais aussi scarabées ou sauterelles, ont des caractéristiques physiques-la couleur des ailes, p.40

, Le film se ressent aussi l'influence de Et Dieu? créa la femme de Roger Vadim avec Brigitte Bardot, 1956.

. Eugène-le-moult, Mes chasses aux papillons, p.231, 1955.