Résumé : Mon cher Augustin, epistulam inter haec tibi scribo… Tu n'ignores pas mon penchant pour les images filmées, très éloignées – il est vrai – de tes préoccupations consacrées, mais j'espère que, pour cette fois, tu me suivras jusqu'au bout. On soulève ici des questions qui me font romancer à partir de toi une petite théologie du spectateur de cinéma contemporain. Tu voudras bien m'en excuser l'effronterie peut-être. Notre temps est aux mutations des images de cinéma (informatisées, exposées dans les musées, etc.) – c'est du moins ce que l'on prétend un peu partout. Je sortais récemment d'un spectacle, que tu aurais évidemment détesté (te servirait-il beaucoup de préciser qu'il s'agissait de Mad Max : Fury Road ?), qui, avec d'autres du même genre, devrait sûrement nous faire aller d'évidence en évidence à ce sujet. C'est un peu vite oublier à mon goût – pour emprunter à Jean Louis Schefer qui t'a beaucoup lu et commenté (avec Ovide), et aura écrit sur toi l'un de ses textes les plus tensoriels (L'Invention du corps chrétien) – que toute image est d'emblée une métamorphose et que ce que l'image nous révèle, c'est précisément que « nous sommes une espèce mutante » (Du monde et du mouvement des images : le type de l'homme – pour décaler Nietzsche – ne peut pas être fixé) – c'est « l'instabilité spécifique de la figure humaine » (Pour un traité des corps imaginaires). Espèce humaine qui n'est après tout, elle-même, qu'une image et qui n'a cessé de se fictionnaliser, à chaque fois inégalement, par tous les arts, dans chacune des images qu'elle allait produire d'elle-même au cours de son histoire, directement ou de biais. L'image, longtemps mutique, est le nom propre de la mutation même. Un muttum aussi : d'abord un grognement, un