Jeunes de cité et contrôle du territoire : le cas d’une cité de la banlieue parisienne - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Hérodote - Revue de géographie et de géopolitique Année : 2004

Jeunes de cité et contrôle du territoire : le cas d’une cité de la banlieue parisienne

Thomas Sauvadet
  • Fonction : Auteur
  • PersonId : 983486

Résumé

Un soir, j'étais avec Brice (22 ans), un jeune d'une cité HLM parisienne où j'ai mené plusieurs années d'enquête (1999-2003). Nous étions dans sa voiture et quelques clients passaient rapidement (Brice est un des plus importants dealers de cannabis de la cité, il vend au détail pour le compte d'un certain Grand Farouk, dont nous parlerons ultérieurement). Brice et moi parlions d'un album de rap qui lui rappelait l'époque où il s'était retrouvé à la rue 1 , époque où il commença aussi réellement à vivre du trafic de cannabis. En face de nous, les adolescents de la « bande à Embre » s'échangeaient une mobylette et faisaient des acrobaties. La mobylette appartenait à une entreprise de livraison de pizzas. Coup classique, les membres de la « bande à Embre » avaient commandé plusieurs pizzas, puis avaient dépouillé le livreur. Ils n'avaient pas suffisamment peur pour se cacher, au beau milieu du territoire de leur cité, ils s'exhibaient aux yeux de tous et avaient l'air de se sentir en sécurité, comme s'ils étaient dans une enclave protectrice. Soudain, trois petits sifflements presque imperceptibles dans le flot d'une conversation, furent interprétés par Brice comme le signal qui alerte de l'arrivée imminente de la police. Effectivement, quinze secondes plus tard, un véhicule de police passa et repassa devant nous. Brice déclara : « Ils doivent chercher quelqu'un à tourner comme ça. Peut-être à cause du livreur de pizza ? Mais ils ont tous eu le temps de bouger de là (la plupart des membres de la « bande à Embre » se sont éparpillés à l'arrivée de la police, en profitant de leur parfaite connaissance du territoire de la cité et de l'avance acquise grâce au « système d'alarme » actif sur le même territoire). C'est le signal je t'ai dit. Trois petits sifflets comme ça, en général, c'est la police qu'arrive ». Moi : « C'était pas aussi organisé avant ? » Brice : « C'est nous aussi, c'est notre génération, c'est nous qui avons expliqué aux p'tits de faire trois sifflements dès qu'ils voient la volaille (les policiers). » 1 Brice habitait jusqu'ici seul avec sa mère, qui gagne le RMI et travail souvent au noir. Brice dit que sa mère l'a expulsé pour l'obliger à « se prendre en main ». Brice fut ainsi contraint de dormir dans une cave, avant de s'installer pendant une année chez un jeune adulte du groupe « jeunes de la cité » qui est un des rares à louer son propre logement. Pendant cette période, Brice gravit les échelons de la vente de cannabis et acquit ensuite suffisamment d'argent pour avoir son chez soi.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-01330862 , version 1 (13-06-2016)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01330862 , version 1

Citer

Thomas Sauvadet. Jeunes de cité et contrôle du territoire : le cas d’une cité de la banlieue parisienne. Hérodote - Revue de géographie et de géopolitique, 2004, Territoires de pouvoirs en France, 113, pp.113-133. ⟨hal-01330862⟩
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