La référence aux savoirs scientifiques dans les politiques de prévention du vieillissement. Le cas des recommandations en matière d’exercice physique pour améliorer le bien-être des personnes âgées. - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2015

La référence aux savoirs scientifiques dans les politiques de prévention du vieillissement. Le cas des recommandations en matière d’exercice physique pour améliorer le bien-être des personnes âgées.

Cécile Collinet

Résumé

Introduction La notion de bien-être apparaît dans les politiques de prévention du vieillissement dans la seconde moitié du XXe siècle. La capacité à rester actif va alors apparaître comme la condition de ce bien-être, faisant du « vieillissement actif » (Moulaert, Durandal, 2013) un modèle idéal de vieillissement réussi. Ce dernier va de pair avec un certain nombre de recommandations qui s’articulent autour d’un trépied préventif (Aquino, 2009) qui inclut des préconisations en matière de nutrition, d’exercice physique, et de culture du lien social. Les textes des grandes instances internationales s’appuient explicitement sur la constitution d’un corpus de savoirs scientifiques pour justifier à la fois le bien-fondé du vieillissement actif comme modèle de vieillissement idéal, et les conseils donnés aux personnes âgées, fortement incitées à pratiquer régulièrement une activité physique. La constitution de ce corpus de savoir, et d’une communauté épistémique (Haas, 1992) qui le porte, a fait office de catalyseur dans l’émergence d’une conception du vieillissement actif. Pour autant, la mobilisation des savoirs scientifiques dans les plans et rapports internationaux, et leur relai au niveau français, se fait de façon réductionniste, la diversité des travaux, leur complexité ou divergence étant souvent et nécessairement aplanies. La science y est convoquée surtout pour justifier une certaine conception du vieillissement réussi. Méthode Ce travail s’appuie tout d’abord sur l’analyse d’un corpus de textes composé de divers rapports et plans de prévention internationaux et français relatifs au vieillissement publiés depuis les années 1960. Ces textes ont été retenus car ils marquent des évolutions significatives dans les conceptions de la question du vieillissement et dans les modes d’actions envisagés. Sur une période plus récente, à partir des années 2000, notre focale sur l’usage des activités physiques dans la prévention nous a amenés à élargir le recueil des programmes à l’échelle nationale française en incluant les programmes spécifiques aux activités physiques ou ceux liés à la nutrition. À ce corpus de textes « institutionnel » s’ajoute un corpus composé d’une vingtaine d’articles scientifiques consacrés à la question des liens entre bien-être et activité physique des personnes âgées récoltés à partir des bases de données scientifiques (PubMed par exemple). Résultats En nous centrant sur le cas des recommandations relatives à l’exercice physique, nous montrons tout d’abord que l’hétérogénéité de la littérature scientifique tend à disparaître. Les textes des institutions nationales et internationales donnent l’image d’un corpus de savoirs consensuel et homogène, ce qui n’est pas le cas. Si l’activité physique est généralement considérée comme bénéfique pour les paramètres somatiques de la santé, la corrélation entre pratique des activités physiques et bien-être est moins consensuelle. On peut en effet constater à ce niveau l’existence de résultats divergents et à nuancer. Par ailleurs les rapports et plans étudiés mettent en avant un lien de causalité simple entre la pratique d’activités physiques et le bien-être, alors que la littérature scientifique sur le sujet est beaucoup plus prudente. En effet, la mise en évidence d’une corrélation ne signifie pas qu’il y a un lien de causalité direct et univoque. Cette causalité simple est ainsi largement remise en cause dans la littérature scientifique, d’une part parce qu’elle met de côté un semble de déterminants psychologiques et sociaux, d’autre part parce que les études menées présentent d’inévitables limitations méthodologiques qui ne permettent souvent pas d’aboutir à la conclusion simple qu’en pratiquant davantage d’activité physiques, une personne âgée dite inactive améliorera son niveau de bien-être. Enfin les recommandations se font sur le mode de la certitude, reprenant la plupart du temps une recommandation « type », s’adressant à tous de façon égale : il faut pratiquer une activité physique d’intensité modérée quasi-quotidiennement. Ces recommandations ont le mérite de la simplicité et de l’opérationnalité, mais là où l’on fait à nouveau appel à la science pour justifier un discours sur la pratique, on tend à occulter les incertitudes de la recherche. Si des preuves solides montrent les effets somatiques de l’exercice physique, celles qui démontrent les effets sur le bien-être psychologique sont moins abondantes, et ne permettent pas d’aboutir à des recommandations précises en matière d’exercice physique dans une optique de bien-être psychologique. Discussion Finalement, ce travail questionne les formes de mobilisation des savoirs scientifiques par le politique et interroge le lien de causalité qui les unit. Sans pour autant tomber dans un relativisme radical, on constate que les savoirs scientifiques, tels qu’ils sont mobilisés, paraissent moins fonder une conception du vieillissement actif que justifier, de façon partielle et sélective, une conception particulière du vieillissement. Ils tendent également vers l’homogénéisation, proposant un nombre limité de préconisations qui s’adressent à tous Par ailleurs, à l’instar de ce que l’on peut observer dans d’autres domaines de l’action publique, la parole des experts scientifiques (même rapportée) est censée valoir parole d’autorité (Roy, 2001), alors qu’en fait les textes scientifiques sont hétérogènes, emprunts de réserve et d’incertain. Les connaissances présentées participent à la construction du référentiel (Jober, Muller, 1987, Muller, 1990) au cœur des politiques de prévention du vieillissement c’est-à-dire à la construction des normes (les critères du bien-vieillir), des algorithmes (les relations causales entre préconisations et conséquences sanitaires et économiques) et des images (celui de la vieillesse réussie).

Domaines

Sociologie
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-01150847 , version 1 (12-05-2015)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01150847 , version 1

Citer

Cécile Collinet, Matthieu Delalandre. La référence aux savoirs scientifiques dans les politiques de prévention du vieillissement. Le cas des recommandations en matière d’exercice physique pour améliorer le bien-être des personnes âgées.. Ageing: Between Science and Politics Vieillissement(s) : Entre sciences et politiques Alt werden: Zwischen Wissenschaft und Politik, Université du Luxembourg, Mar 2015, Luxembourg, Luxembourg. ⟨hal-01150847⟩
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